Quel est au juste la nature du lien qui relie les joueurs à leurs clubs lorsque les premiers décident de s’y inscrire dans la durée ? Fidélité, tel est le thème central incarné par ces histoires qui démontrent, s’il le fallait, que l’amour du maillot se moque de l’obsolescence programmée.
FC Ostheim : la fidélité à tout prix – Grand Est / Haut-Rhin
Hors normes. L’équipe fanion du FC Ostheim a connu une saison exceptionnelle à plus d’un titre. Jugez plutôt : les footballeurs alsaciens n’ont en effet disputé que cinq matchs dans leur championnat de Régional 3 sur l’ensemble de la saison ! La faute à un enchainement de circonstances tout à fait exceptionnel. Comme le relate Julien Conrad, le coach local : «Dès la première journée, l’équipe contre laquelle nous devions jouer déclare forfait ! Pour la seconde, la municipalité devant nous accueillir organise une manifestation et demande le report. Pour la troisième, à domicile, il pleut et nous fusillons littéralement notre terrain sous le déluge. Pour de longs mois. Période durant laquelle nous n’avons pu disputer que les matchs à l’extérieur. Si ce n’est que les conditions météorologiques dans le Grand Est ont empêché la plupart d’entre eux d’avoir lieu ! Et là, alors que nous pouvions encore récupérer nos matchs, Le COVID a mis fin à la compétition ! » Au final, les infortunés footballeurs Ostheimois n’auront disputé que 450 minutes de championnat ! Mais le plus surprenant tient dans la constance et l’attachement de l’effectif à ses couleurs en dépit des circonstances. Ainsi que le précise l’entraineur : « Le groupe est resté uni et aucun joueur n’a demandé à partir. Sans cela, l’équipe, la catégorie et le club dans son ensemble auraient été en grand danger. Nous savons exactement ce que nous devons à leur fidélité ». Oui, ce sport est une affaire de ballons et d’hommes. Enlevez le ballon, il restera les hommes !
Cédric Bodchon et l’US Laon, une relation fusionnelle – Hauts-de-France / Aisne
« J’ai du mal à m’imaginer ailleurs. Et même si les choses n’ont pas toujours été faciles, c’est quand même ici que je me sens chez moi ! » Les plus belles histoires se résument bien souvent en quelques mots élémentaires. En tout cas, celle unissant Cedric Bodchon à l’US Laon relève d’une évidence se prolongeant depuis maintenant vingt ans. Arrivé dans les rangs laonnois en tant que jeune joueur senior, il y a un peu plus de vingt ans, sa carrière bascule dans sa trente-deuxième année sur une deuxième rupture des ligaments croisés du genou. Une de trop pour le capitaine de la formation évoluant en R2, qui décide alors de raccrocher les crampons. Une désolation pour l’entraineur de l’époque qui n’entend pas se priver de cet élément au leadership incontestable. Celui-ci lui propose alors de passer de l’autre côté de la barrière. Pendant deux saisons et demie, notre jeune « retraité » peaufine son apprentissage de coach en qualité d’adjoint, avant de prendre les rênes de l’équipe. Un coup de maître assurément puisque celle-ci accède immédiatement au niveau supérieur ! Aujourd’hui, alors qu’il entame sa septième saison au poste, Cédric Bodchon livre sa recette lui permettant de durer dans le temps : « Rester soi-même, être honnête avec ses joueurs, ses dirigeants et surtout ne pas hésiter à formuler les choses pour dissiper les rancœurs » Pour un peu, on croirait lire une recommandation pour faire durer son couple. Mais après tout, n’est-ce pas toujours un peu le cas lorsqu’un homme et une cause entremêlent leurs destins vingt saisons durant ?
Thomas Guillebault à Imphy Decize : du mariage de raison au mariage d’amour – Bourgogne-Franche-Comte / Nièvre
Les mariages de raison peuvent parfois se transformer en mariage d’amour. Telle pourrait être la morale de l’histoire reliant Thomas Guillebault à son club d’Imphy Decize, en Bourgogne-Franche-Comté. Car il faut bien avouer que rien ne prédestinait l’ex stagiaire professionnel de l’EA Guingamp à rejoindre – encore moins durablement – les rangs de l’écurie engagée en R1 : « Lorsque je n’ai pas été conservé au centre de formation de Guingamp, je me suis dit que je pourrais jouer une année à ce niveau avant de rejoindre un club plus prestigieux. » Une réflexion logique, cohérente, mais ne prenant toutefois pas en compte un élément qui allait peser dans le choix de vie du tout jeune joueur : l’amour que les supporters vouent à l’association locale ! Comme l’explique, encore incrédule, Thomas Guillebault : « Lors du premier entrainement, une centaine de supporters s’était donnée rendez-vous au stade pour fêter la bienvenue aux nouveaux joueurs de l’équipe. J’ai alors compris que le club et le football à Imphy Decize tenait plus de la religion que du simple divertissement. Pour chaque déplacement, les supporters affrétaient un car, c’était complètement dingue ! » Aujourd’hui âgé de 37 ans, notre homme tient désormais un commerce à Decize et s’inscrit un peu plus encore dans la vie du village : « Encore deux ou trois saisons de football et je passerai la main. Avec le recul, et même si je n’aurais jamais imaginé passer plus de 16 années ici, je m’aperçois que c’était le bon choix, qu’il s’agissait du club familial dont j’avais sans doute besoin sans trop le savoir. » Comme quoi, l’amour le plus fidèle peut naître de la raison la plus formelle.
Rédaction par la revue Vestiaires